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ZNT : LE MODEF BOYCOTTE LA REUNION DE LA CHAMBRE D’AGRICULTURE

Depuis 2006, les zones de non-traitement (ZNT) sont entrées dans la loi française tout d’abord pour protéger les cours d’eau des produits phytopharmaceutiques (PPP) utilisés dans le monde agricole. Depuis, des études successives ont démontré la dangerosité des PPP pour la santé des agriculteurs, des riverains et de l’environnement et ont contraint les pouvoirs publics à légiférer.
ZNT : LE MODEF BOYCOTTE LA REUNION DE LA CHAMBRE D’AGRICULTURE

Promouvoir le respect de ZNT, ce n’est pas faire de l’écologisme primaire. Au contraire, c’est être conscient des dangers de l’utilisation de PPP pour les agriculteurs en premier lieu, leur environnement proche et la nature.

LES EVOLUTIONS LEGALES

C’est en 2009 que deux premiers textes européens appellent à protéger la population des PPP. Il faut attendre le 4 mai 2017[1] et de nombreux cas d’intoxication avérés, pour qu’un nouvel arrêté national soit publié. Malgré les fortes mobilisations associatives et agricoles, cet arrêté n’intègre pas la protection de la population. C’est l’arrêté ministériel du 27 décembre 2019[2] qui amende celui de 2017 pour y intégrer les populations riveraines et vulnérables dans un nouvel article. Pour autant, les distances de sécurité arrêtées restent minimes et donc peu protectrices. Cet arrêté délègue également aux Chambres d’agriculture la rédaction de chartes d’engagement départementales dans lesquelles les distances de sécurité peuvent être réduites. Dès 2020, les Chambres sont alors incitées à mener une large concertation incluant les professionnels et les riverains pour élaborer ces chartes.

LE GRAIN DE SABLE DANS L’ENGRENAGE

Rapidement, 20 départements dont les Landes se dotent de chartes. Mais 8 associations, dont France Nature Environnement, déposent un recours devant le Conseil d’État contre l’arrêté de 2019.

En juillet 2021, le Conseil d’État rend son verdict et demande l’annulation de l’arrêté contesté au motif qu’il prévoyait dans son article 8 des distances de sécurités insuffisantes pour les produits classés comme suspectés d’être cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) et parce qu’il n’intégrait pas de dispositions pour protéger les personnes travaillant à proximité des zones d’utilisations des produits phytopharmaceutiques.[3] Pour cela, il s’est basé sur les recommandations de l’ANSES publiées en juin 2019[4].

Dès janvier 2021 le Conseil d’État saisit lui-même le Conseil constitutionnel pour « une question prioritaire de constitutionnalité » sur la protection des riverains. Quelques semaines plus tard, le Conseil constitutionnel a invalidé la méthode d’élaboration des chartes. Il juge « contraires à l’article 7 de la Charte de l’environnement [contenue dans le préambule de la Constitution] les modalités retenues par le législateur pour l’élaboration des chartes d’engagement départementales relatives à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques »[5]. En effet, en restreignant la participation aux seuls représentants des riverains, elles ne répondent pas selon lui à l’exigence de permettre à « toute personne d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement »[6]

LES NOUVELLES DISPOSITIONS LEGALES

Le nouvel arrêté du 25 janvier 2022[7] répond à l’exigence du Conseil d’État d’inclure les personnes travaillant à proximité des zones de traitement. Et cela est bien pris en compte dans la proposition de charte amendée transmise par la Chambre d’agriculture des Landes. En revanche, il ne modifie en rien les distances de sécurité révélées pourtant comme insuffisantes à la fois par l’ANSES et par le Conseil d’État. De même, il ne répond pas au problème sur la participation detoute personne à l’élaboration des chartes, tel que soulevé par le Conseil d’État. Enfin, le décret d’application de l’arrêté du 25 janvier 2022 précise que les Chambres d’agriculture ont 6 mois à compter de sa publication pour élaborer les nouvelles chartes, soit jusqu’au 25 juillet 2022. Puis que les Préfectures ont 2 mois pour demander des modifications ou passer les chartes en consultation publique.

ET LE MODEF DES LANDES DANS TOUT ÇA ?

Dès 2020, le syndicat landais avait expliqué sa désapprobation tant sur le contenu de la charte que sur la méthode employée pour la rédiger. Aujourd’hui, au vu des dernières évolutions légales et la démarche de la Chambre d’agriculture pour revoir sa charte, les arguments du Modef40 restent inchangés.

LE VIDE DÉMOCRATIQUE

Les ZNT sont, selon lui, un dispositif mis en place pour calmer les tensions entre agriculteurs et riverains et non pour protéger à la fois les habitants et les agriculteurs. Il s’agit d’un outil pour réduire les distances de non-traitement en tentant de calmer le jeu par l’instauration d’un pseudo-dialogue. La charte départementale reste donc par nature fragile. Elle pourra faire l'objet de recours, notamment dans notre département où l'association des consommateurs (Familles Rurales) et l'organisation environnementale (Landes Nature), qui sont de nouveau dans la boucle de consultation, n'ont pas grande légitimité ou poids auprès des citoyens potentiellement rétifs.

De même, le temps imparti depuis la publication de l’arrêté du 25 janvier 2022 jusqu’au 25 juillet 2022 aurait permis d’organiser une véritable co-écriture de la nouvelle charte avec l’ensemble des acteurs du territoire, telle que demandée par le Conseil constitutionnel. Or, loin de tenir compte des changements sociétaux et environnementaux qui ont lieu ces dernières années, la Chambre d’agriculture continue de fonctionner comme à son habitude, dans un entre-soi avec le syndicat majoritaire. Cela est délétère à la fois pour les agriculteurs, que la Chambre est censée défendre, et pour les habitants du territoire.

Si la Chambre dans sa nouvelle proposition de charte fait état à plusieurs reprises de sa volonté d’instaurer un dialogue avec toutes les parties prenantes, force est de constater que dans les faits, le compte n’y est pas.

POUR UN CHANGEMENT DES PRATIQUES

Par ailleurs, les autorisations de mise sur le marché (AMM)assises sur des bases scientifiques indépendantes doivent définir les conditions d'usage des produits phytos et, parmi ces conditions, les distances de non traitement à respecter vis-à-vis des habitants. D'après l'APCA, ce sera le cas : progressivement les distances des ZNT seront définies par les AMM. Or la charte n'intervient qu'en l'absence de distances mentionnées dans l'AMM. Son champ d'application va se réduire progressivement. Donc se posera de toute façon la question d'un changement des pratiques.

Il est temps, au vu des conséquences en termes sanitaires pour les agriculteurs et les riverains, et en termes écologiques pour la biodiversité, d’envisager un accompagnement aux changements de pratiques agricoles plutôt que de tenter encore et toujours de répondre aux exigences économiques d’un modèle agro-industriel qui mène tout le monde dans le mur.

DE LA RESPONSABILITÉ DE L’ÉTAT

En l'absence de distances précisées dans les AMM, il revient à l’État de définir ces distances pour donner un cadre clair aux agriculteurs et opposable aux tiers. Ainsi, si des contraintes de non traitement sont imposées aux agriculteurs pour protéger la santé des habitants, les pertes doivent être compensées par l’État en attendant que les règles de l'urbanisme prennent en compte la nécessité d'intégrer des bandes de terrain tampon entre construction et champs pour tous les nouveaux projets. Il est temps également, d’associer les élus locaux à une réflexion plus globale sur l’occupation foncière 

LE BOYCOTT

En conséquence, le Modef des Landes ne souhaite pas cautionner une démarche à laquelle nous n’avons pas été associés en amont et qui a de forts risques d’être dénoncée une nouvelle fois par les citoyens. Nous avons donc décidé de boycotter le simulacre démocratique de la Chambre et nous ne signerons pas la charte en l’état.

Elle n’apporte toujours pas de réponse tant sur la méthode que sur le fond. Son élaboration est contraire à la Constitution, une fois de plus. Son contenu ne protège pas les agriculteurs tant du point de vue sanitaire que du point de vue juridique. Les chartes sont un alibi pour éviter à l’État de prendre ses responsabilités lorsqu’il autorise des produits phytopharmaceutiques sur le marché français.

[1] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000034603791/

[2] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGIARTI000039800282/2020-01-01/

[3] https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-07-26/437815

[4] https://www.anses.fr/fr/content/avis-et-rapport-de-lanses-relatifs-aux-travaux-exposant-aux-cytostatiques

[5] https://www.conseil-constitutionnel.fr/rapport-activite-2021-numerique/qpc-environnement.html

[6] https://www.legifrance.gouv.fr/contenu/menu/droit-national-en-vigueur/constitution/charte-de-l-environnement

[7] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045072970#:~:text=Dans%20les%20r%C3%A9sum%C3%A9s-,Arr%C3%AAt%C3%A9%20du%2025%20janvier%202022%20relatif%20aux%20mesures%20de%20protection,vis%C3%A9s%20%C3%A0%20l'article%20L.

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