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Débat 2011 : Les collectivités territoriales peuvent-elles infléchir les politiques agricoles ?

En France, la compétence agricole relève de l'État. Pour autant, des collectivités territoriales font le choix de consacrer une partie de leur budget au développement agricole de leur territoire. Ces politiques locales sont-elles capables d'infléchir les politiques agricoles nationale et européenne ?
Pour alimenter cette réflexion, le MODEF a invité des élus de conseils régionaux ou généraux : Benoît BITEAU, agriculteur et vice-président de la Région Poitou-Charentes, Pierre CHÉRET pour l’Aquitaine, Odile LAFITTE du conseil général des Landes et Raymond GIRARDI, secrétaire général du MODEF national et président de la commission agriculture du Lot et Garonne.
Débat 2011 : Les collectivités territoriales peuvent-elles infléchir les politiques agricoles ?

Les intervenants au débat : De gauche à droite : Benoît BITEAU, Odile LAFITTE, Christophe MESPLEDE, Pierre CHERET et Raymond GIRARDI

Le contexte

Pour introduire la discussion, Christophe MESPLÈDE, président du Modef, a brossé le contexte :

  • Le décrochage du revenu agricole aquitain : L’agriculteur aquitain dégage en moyenne moins de 18.000 €/ actif et par an (2010) et un agriculteur aquitain sur deux disposait d’un revenu inférieur à 10.000 € en 2008 (contre plus de 20.000 € en France). Pendant ce temps, la part de valeur ajoutée captée par les IAA et la grande distribution ne cesse de progresser.
  • Le fossé se creuse entre consommateurs et agriculteurs comme en témoigne la campagne d’affichage de France nature environnement (FNE) de février dernier. Les paysans ne se rapprochent pas assez des consommateurs.
  • La persistante inéquitable répartition des aides PAC. Avec 445 millions d’euros versés aux agriculteurs aquitains, la Pac oriente indéniablement la politique agricole. En Aquitaine, 20 % des agriculteurs (les plus aidés) concentrent 60 % des aides.

Dans ce contexte, comment les collectivités peuvent-elles conforter ou contrebalancer cette Pac ?

Le poids de la PAC

Benoît BITEAU revendique une vision de l’agriculture « décalée ». L’agriculture ne relève plus le défi de la souveraineté alimentaire. On encourage l’agriculture intensive ici au motif fallacieux qu’il faut nourrir la planète alors que ce sont les agricultures des pays en croissance démographique qui doivent être développées. Pour preuve : sur le milliard de personnes souffrant de la faim, 800 millions sont des paysans du Sud.

L’agriculture est l’activité économique le plus soutenue. La France reçoit 1/5e des aides PAC et l’injuste répartition des aides alimente les incompréhensions entre agriculteurs et contribuables. En Poitou-Charentes, les aides Pac versées totalisent 660 millions d’euros tandis que la Région dispose de 685 millions pour l’ensemble de ses politiques. « Et le budget agricole de la Région est de 11,5 millions d’euros. On ne lutte pas à armes égales. À nous d’être ingénieux pour contribuer à l’émergence d’un modèle alternatif » souligne Benoît BITEAU.

Odile LAFITTE complète : L’action des collectivités territoriales est contrainte car elle est encadrée par des compétences et la réforme des collectivités territoriales limitera encore un peu plus leurs moyens d’intervention.

Des leviers pour agir

« Pour dynamiser une agriculture alternative, nous activons des leviers » explique Benoît BITEAU. Ainsi, en Poitou-Charentes, un agriculteur qui reçoit des aides s’engage à ne pas produire d’OGM. L’important est que cela enclenche une réflexion sur l’autonomie de l’exploitation, le mode de développement. En parallèle, la création d’un réseau INPACT (Civam, associations de bio, etc.) est soutenue.

« Poitou-Charentes est la seule région à ne pas financer systématiquement les chambres d’agriculture ». Les instances consulaires sont subventionnées sur la base de programmes d’action cohérents avec les orientations agricoles fixées par la Région. Il en est de même pour l’Inra.

Une intervention politique

Public débat Soustons 2011

Raymond GIRARDI souligne que, dans la question posée, le terme « infléchir » sous-entend que la PAC n’est pas satisfaisante. Effectivement, la Pac ne permet pas aux producteurs de gagner leur vie, ni de couvrir les besoins intérieurs en produits alimentaires. Enfin, elle ne respecte pas suffisamment l’environnement. « Nous sommes en pleine réforme de la Pac ». Aussi, au-delà des interventions directes, le secrétaire général du Modef attend une action politique coordonnée de la part des collectivités territoriales. Étant donné qu’il est envisagé de régionaliser les aides, il est important de réfléchir syndicalement à cette question. Il insiste sur un autre point : « Il faut continuer à exiger que l’agriculture ne soit plus intégrée dans les négociations commerciales internationales de l’OMC ».

Benoît BITEAU explique que 4 régions de France (Poitou-Charente, Bretagne, Pays de Loire et Basse-Normandie) ont présenté à M. Dacian CIOLOS leur propre contribution sur la Réforme de la Pac. À ce jour, 20 régions européennes ont signé ce texte. « ’La copie de l’association des régions de France (ARF) était trop timide car l’ARF est trop proche des chambres d’agriculture pour porter d’autres orientations » commente t-il.

Des exemples concrets

Que ce soit depuis la tribune ou parmi le public, des élus ont présenté des exemples concrets pour étayer le débat :

LANDES : QUALITÉ ET SOLIDARITÉ

La politique agricole du conseil général des Landes est organisée autour du trépied Environnement/ Qualité/Agriculture de groupe et solidarité.

« Je mise sur la qualité plutôt que sur la quantité » explique Odile LAFITTE, chargée de l’agriculture au Département. Il est possible d’agir à travers la restauration collective. Pour favoriser les productions de qualité, « le conseil général va fournir aux gestionnaires des collèges la liste des producteurs bios et locaux », poursuit-elle.

AQUITAINE : INSTALLATION ET ENVIRONNEMENT

Après avoir rappelé que l’agriculture est le premier employeur dans notre région (100.000 emplois), Pierre CHERET, représentant du conseil régional Aquitaine, a listé les axes retenus : l’installation des jeunes agriculteurs ; allier production et environnement ; soutenir le bio et les circuits courts.

« Quand les collectivités développent les territoires, c’est une façon de soutenir les revenus agricoles » commente t-il.

Il souhaite par ailleurs que les Régions mettent leur nez dans les orientations de l’enseignement agricole, pour insuffler une nouvelle culture dans les établissements. Nous ne sommes pas complètement sortis de l’époque où les formateurs et les techniciens étaient formatés par les potasses d’Alsace et l’agrochimie.

L’Aquitaine incitera les 156 lycées à intégrer plus massivement des produits locaux. « Selon une étude, après la phase de transition, quand les circuits sont organisés, l’écart de coût moyen entre un approvisionnement classique et de proximité n’est plus que de 2 à 3 % » précise t-il.

PAYS TARUSATE ET TARNOS

Dans le pays tarusate, l’organisation d’un approvisionnement de la restauration collective en circuits courts et de proximité est également à l’ordre du jour. « Nous avons réuni les directeurs des maisons de retraite. Le code des marchés publics est un frein et l’organisation des producteurs locaux demandera du temps » soulignera Vincent LESPERON au cours du débat.

À Tarnos, 400 ha de terre sont exploités. De bonne qualité agronomique, les élus ont préservé la vocation agricole de ces surfaces. La municipalité a créé une SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) pour la restauration collective. « Ce n’est pas parce que le mouvement coopératif a été dévoyé en agriculture qu’il ne faut pas investir le mouvement de l’économie sociale et solidaire » a plaidé Jean-Marc LESPADE, maire de Tarnos.

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