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Débat 2018 (2/2) : L'agriculture est multifonctionnelle

Les prises de parole qui ont suivi peuvent aisément être regroupées sous trois angles : économique, environnemental et social. Précisément les trois piliers qui fondent le concept de l'économie dite « soutenable » ou « développement durable ». En revanche, n'a pu être approfondi le débat suivant : Les initiatives constitutives du développement durable seront-elles nécessairement récupérées par le système capitaliste ou bien, autour de l'objectif du développement durable, les acteurs sociaux auront-ils la capacité de transformer en profondeur le système capitaliste ?
Débat 2018 (2/2) : L'agriculture est multifonctionnelle

VALEUR AJOUTÉE CAPTÉE

Dans les années 1970-1990, les ateliers de palmipèdes à foie gras ont permis à de nombreuses fermes de 20-25 ha de faire vivre une famille sans avoir à acquérir un foncier au coût élevé. Le souci est que la valeur ajoutée a été exagérément captée par l'aval et l'amont de la filière foie gras.

« Même un courrier de la FRSEA Bretagne dénonce ce phénomène », a expliqué Serge MORA. En effet, ce courrier pointait que les coopératives faisaient 15 % de leur chiffre d'affaires avec les appros alors que cette activité génère 35 % de leur marge brute. « Il est évident que les coopérateurs sont les perdants alors que précisément les coopératives avaient été créées pour que collectivement les adhérents aient des appros au meilleur prix », a expliqué le président du Modef.

« Que faire ? Peut-on s'exonérer de travailler avec des coopératives ? », a interrogé un participant.

« Nous pouvons recréer nos propres coopératives », a répondu Josian PALACH. À cette occasion, l'expérience de la Cuma Adour Protéoïl a été évoquée.

« 80 personnes, c'est une bonne échelle pour que les adhérents conservent la maîtrise de l'outil commun et ait un peu de poids dans les décisions. Quand un adhérent a quelque chose à dire, il peut le faire facilement. Avec 8 000 coopérateurs, cela n'est plus possible », a fait remarqué Christophe MESPLÈDE.

MANQUE DE VISION

Josian PALACH et Christophe, sont élus à la chambre d'agriculture de leur département (minoritaires).

Tous deux relèvent qu'ils sont en droit d'attendre plus des chambres d'agriculture qui ont une mission de service public. La plupart étant entre les mains de la Fnsea, elles sont au service des objectifs de la « grande maison » (la Fnsea). Selon Christophe MESPLÈDE, la chambre manque de vision stratégique tout simplement parce qu'elle considère que les choix de développement relèvent des coopératives agricoles. Au contraire, l'élu Modef considère que la chambre devrait être une instance indépendante vis à vis des organismes économiques (coopératifs et privés) pour accompagner les paysans dans le développement de leurs fermes (vers plus d'autonomie notamment).

MIEUX SUR LE PLAN ENVIRONNEMENTAL

Laurence MOTOMAN (EELV) a défendu qu'au regard de leurs externalités positives, la polyculture-élevage et le bio doivent être plus fortement soutenus. Elle a attiré l'attention sur les récents résultats de travaux qui mettent en évidence l'effet cocktail des substances chimiques et des conséquences des perturbateurs endocriniens qui agissent à faible dose.

« Je pense que l'on pourrait mieux accompagner les agriculteurs », a-t-elle conclu.

Parce qu'ils connaissent bien le milieu agricole, plusieurs membres de l'Alpad ont argumenté leur démarche : plutôt que de culpabiliser les agriculteurs, l'association cherche à montrer que des passerelles entre bio et conventionnels existent et que des bonnes pratiques tiennent la route sur le plan économique.

Quand le revenu agricole est faible et quand les marchés sont fluctuants, les paysans ne peuvent prendre tous les risques dans un même temps.

LE FACTEUR MODE DE PRODUCTION

Les systèmes de production de viande à partir des granivores produisent moins de gaz à effet de serre tel le méthane que les ruminants. Si on se place de ce seul point de vue, on pourrait en conclure qu'il suffit d'encourager la production de viande de volailles et porcs. Toutefois, si les herbivores sont nourris à l'herbe dans un milieu de bocage (haies), la moitié de l'effet méthane est annulé.

Par ailleurs, quand le troupeau atteint 70 vaches, il devient compliqué de gérer une alimentation basée sur l'herbe. Or, une alimentation des bêtes à l'herbe produit du lait riche en oméga 3.

« C'est l'ensemble des objectifs et des éléments techniques qu'il faut parvenir à maîtriser au mieux en même temps. L'agriculture est un tout », a déclaré Serge MORA.

LA DIMENSION SOCIALE

Le nombre d'exploitations maintenues n'est pas le seul critère à observer. La qualité des relations sociales et la dignité du paysan sont à prendre en compte. « Peut-on se satisfaire de situations où l'agriculteur est dessaisi d'une grande partie des décisions par des technico-commerciaux ou autres prestataires de service ? », a interpellé un participant.

Tout comme ce dernier, Josian PALACH estime que l'agriculture bio n'est qu'une technique et que, si elle est disjointe de l'éthique humaniste, elle peut conduire exactement aux mêmes dérives que l'agriculture industrielle.

Le revenu est partie intégrante de cette dignité, pour les producteurs mais aussi pour les retraités qui ont été maintenus dans leur statut de sous-smicard par le gouvernement.

LE DANGER DE L'UBERISATION

Créer sa propre entreprise est très encouragé par ce même gouvernement. Mais, ces auto-entreprises reposent sur un modèle économique hyper libéral : on fait miroiter des cotisations sociales minimes. Parce qu'elle tarit les ressources de la protection sociale, la généralisation de ce modèle met directement en péril un système de protection sociale mutualisé et étendu.

Quand des services low cost (à bas prix) se mettent en place, il ne faut pas oublier que des collectivités publiques ont financé une partie des infrastructures. Par exemple, les aéroports pour les entreprises aériennes low cost.

Il y a une contradiction évidente à réclamer en même temps le moins possible d'intervention de l’État et le maximum de subventions publiques pour faire tourner les entreprises.

DES FERMES TRANSMISSIBLES

Un autre intervenant a complété la discussion sur la dimension sociale et humaine en amenant le débat sur la transmission des structures agricoles.

Des jeunes voudraient s'installer mais le foncier est capté soit par les très grandes exploitations, soit par les entreprises de travaux agricoles.

La transmission à un jeune devrait être plus fortement encouragée et soutenue financièrement, notamment parce que le niveau des retraites agricoles (les cédants) ne permet pas de vivre décemment. Une location (au lieu d'un achat) sera pourtant plus supportable pour le jeune repreneur.

L'occasion de rebondir sur la nécessité de contrôler les agrandissement et que, pour ce faire, des moyens humains sont nécessaires dans les DDTM/DRAAF. Malheureusement, les politiques ne font pas dans ce sens, au contraire.

Toujours sur ce thème du foncier, Josian PALACH a signalé l'action de l'association Terre de liens dans laquelle des citoyens mettent des capitaux pour faciliter l'installation de jeunes.

PROJETS ALIMENTAIRES TERRITORIAUX

Yves WEGNER, impliqué dans le mouvement des Amap, a constaté la difficulté à trouver des maraîchers.

Dominique DEGOS a alors exposé l'action du Département des Landes en faveur de l'approvisionnement local (Agrilocal) et le lancement d'espace test agricoles.

UN VÉRITABLE RAPPORT DE FORCE ?

« Toutes les initiatives évoquées précédemment sont intéressantes mais elles restent marginales. Quand elles marchent bien, le système capitaliste les digère et les intègre dans sa mécanique à faire des profits », a fait valoir un participant.

Selon lui, pour se libérer des forces du capital, pour reprendre le pouvoir qui « nous appartient et que les financiers se sont accaparés », il va falloir mener une vraie riposte. Tout seul, chacun ne représente qu'une goutte d'eau mais, ensemble, elles font la mer et auront sa force.

En complément de l'action collective, chacun peut d'ores et déjà agir à travers son bulletin de vote et ses choix de consommation.

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