Les modèles (2/2)
Et, en ces semaines où se tenait traditionnellement le Salon de l’agriculture, les médias nous parlent d’agriculture à tour de bras, quitte à nous laisser tomber dans l’oubli total dans quelques jours.
Le 23 février, France 2 a diffusé un documentaire sur l’évolution du monde paysan.
Serge MORA, président du Modef des Landes
La soirée se clôturait tardivement par un reportage sur l’installation d’une jeune femme travailleuse sociale issue du milieu urbain. Elle se destinait à reprendre en fermage avec sa compagne une exploitation laitière du Morbihan. Exploitation tout à fait originale car le cédant et son épouse, à la tête d’une cinquantaine de vaches et autant d’hectares, avaient mis sur pied un système efficace basé sur 100 % d’herbe, avec un arrêt de la traite durant 3 mois, une traite par jour durant plusieurs mois. Pour une exploitation laitière, une charge de travail aussi réduite est très rare et, tout cela, avec un résultat financier apparemment correct tout en nécessitant une mise de capitaux relativement modeste.
Pour moi, cela constitue un vrai modèle car la rentabilité du capital investi est bonne tout en demandant, et c’est vraiment la cerise sur le gâteau, une charge de travail tout à fait raisonnable.
J’ai tout de suite fait le parallèle avec la production de foie gras dans laquelle nous avons démarré notre carrière avec très peu d’investissements, des prix corrects et le tout avec des volumes modestes comparativement à aujourd’hui et dans un système autarcique.
Mais ça, c’était avant !
En effet, le « Progrès » est passé par là et, sous prétexte de démocratiser le foie gras, il a fallu spécialiser les agriculteurs en éleveurs pour certains et gaveurs pour d’autres.
En l’espace de 20 ans, les quantités ont plus que doublé pendant que les rémunérations baissaient. Les gains de productivité que l’on nous vante tant chez certains n’ont pas du tout profité aux producteurs traditionnels.
Et les erreurs sanitaires ont commencé. La multiplication des transports, l’intervention de main d’œuvre extérieure pour les chantiers de vaccination, d’attrapage, de nettoyage ont diffusé très largement le virus lors de chaque épisode d’influenza aviaire.
Alors là, « on » a trouvé la parade : le confinement des animaux !
Solution miraculeuse (il suffit de voir comment cela s’est passé dans les bâtiments cet hiver et cela perdurait il y a encore peu dans le Gers en système claustré avec toutes les règles de biosécurité) qui va tous nous sauver.
Certains, sous couvert du sens des responsabilités, appellent à investir massivement dans des bâtiments (qui seront utilisés quelques semaines si on les écoute. Cherchez la rentabilité) en excluant en même temps des indemnisations ceux qui n’ont pas mis leurs animaux à l’abri. Ils proposent aussi la mise en place d’une police sanitaire. Pourquoi pas le port de la chemise noire pour les uns et l’étoile jaune pour les autres !?
Tout cela entretient une atmosphère délétère dans les campagnes et ne résout pas les problèmes de surdensité, de transports tous azimuts, vrais responsables des crises sanitaires dans plus de 90 % des cas.
Alors, au vu de ces solutions, je suis très sceptique sur le modèle préconisé, tant du point de vue qualitatif du produit que du point de vue rémunération des producteurs. Ne faisons pas avec le foie gras ce que l’on observe dans le lait : investir beaucoup, produire beaucoup et gagner très peu.
Résultat : Dans les Landes, de 2010 à 2020, nous sommes passés de 230 producteurs à moins de 90 aujourd’hui.
Méfions-nous donc de ces modèles touts faits où l’humain n’a que peu de place. Il faut que nous trouvions d’autres solutions.Vos représentants s’y sont attelés car il ne faut pas que cette troisième crise se termine par un plan social déguisé !
(*) : Consultable sur https://www.youtube.com/watch?v=cyvQWDG8mUo